divendres, 1 de setembre del 2017

Attaque à la bonbonne de gaz

Attaque à la bonbonne de gaz: une vieille méthode et beaucoup de symboles



Ici, des pompiers font l'inventaire des bouteilles de gaz retrouvés à Alcanar, où les auteurs des attentats de Cambrils et Barcelone préparaient des attentats.
Ici, des pompiers font l'inventaire des bouteilles de gaz retrouvés à Alcanar, où les auteurs des attentats de Cambrils et Barcelone préparaient des attentats. Crédits photo : Joan Revillas/AP
 
En France et plus récemment en Espagne, les forces de l'ordre ont constaté la présence de bouteilles de gaz sur des scènes d'attentat. À quoi servent-elles ? Pourquoi ce mode opératoire et d'où vient-il ? Éléments de réponse.
Le constat est dur mais factuel: ces dernières années, de nombreux modes opératoires ont été utilisés dans les attentats commis en Europe. On a vu des attaques terroristes à la voiture-bélier, au couteau ou encore à la ceinture d'explosif mais, et fort heureusement, moins celle aux bonbonnes de gaz. Pourtant, les enquêteurs ont eu plusieurs fois l'occasion de relever la présence de ces engins sur des scènes d'attentats en France. On peut notamment se souvenir de Yassin Salhi, qui avait décapité son patron en Isère. Le jour de l'attentat, il s'était rendu sur son lieu de travail avec son utilitaire rempli de bouteilles de gaz et avait notamment foncé sur un hangar, stockant lui-même des bonbonnes de gaz et d'acétone, ce qui avait provoqué une explosion. Deux personnes avaient légèrement été blessées. C'était en juin 2015.
Plus d'un an après, une voiture contenant des bonbonnes de gaz et des bidons de gasoil est découverte à Paris, près de la cathédrale Notre-Dame et de la préfecture de Police. Ce qui ressemblait à une attaque à la voiture piégée a tourné court. Dans cette Peugeot 607 laissée à l'abandon et repérée un dimanche matin, les bonbonnes n'étaient reliées à aucun détonateur, aucune chaîne pyrotechnique. En juin dernier, un homme ayant prêté allégeance au groupe terroriste État islamique (EI) a foncé en voiture sur un fourgon de gendarmerie sur les Champs-Élysées. Dans son véhicule, des armes et... des bonbonnes de gaz. Enfin, plus récemment, dans l'enquête sur les attaques de Barcelone et Cambrils, 120 bonbonnes de gaz et des ingrédients pour confectionner du TATP - un explosif artisanal utilisé par Daech - ont été découverts à Alcanar, dans un laboratoire clandestin.

Un mode opératoire d'abord utilisé par Daech en zone irako-syrienne

Essayons de comprendre ce que cela représente car ces différentes attaques soulèvent plusieurs questions: pourquoi les auteurs ont-ils recours à ce mode opératoire? Quel en est l'«intérêt»? D'où vient-il? D'après Mathieu Guidère, professeur à l'université de Paris-VIII et auteur de La Guerre des islamismes, cette méthode, dans l'histoire récente, a d'abord été utilisée par l'État islamique en Irak et en Syrie en 2013-2014,lorsque les djihadistes ne disposaient pas encore d'artificiers professionnels ou d'explosifs pour fabriquer de «vraies bombes». Ce mode opératoire, qui consistait à confiner plusieurs bouteilles de gaz dans un véhicule avec un dispositif de mise à feu, était destiné à commettre un maximum de dégâts matériels. «Des ministères irakiens, des mairies et des casernes ont été détruits comme ça», rappelle Mathieu Guidère. Depuis, l'EI a essayé d'exporter ce mode opératoire en Europe. D'ailleurs, on le retrouve dans la propagande djihadiste. «Dans les manuels d'attentat ou sur des applications cryptées, les djihadistes s'y échangent des conseils», détaille Jean-Charles Brisard, président du Centre d'analyse du terrorisme.

Une méthode encore mal maîtrisée en Europe

Pour autant, les attaques récentes à la bonbonne semblent avoir jusqu'ici échouée en Europe. «Ils essaient de les faire éclater par incendie mais ce n'est pas très efficace», constate un expert en explosifs qui travaille pour la police. «C'est ce que j'appelle un mode opératoire d'opportunité: ça peut marcher mais c'est sans garantie». «Pour le moment, on a affaire à des amateurs», enchaîne l'universitaire Mathieu Guidère. «Ce n'est pas parce qu'on enferme plusieurs bonbonnes de gaz dans une voiture et qu'on jette une cigarette allumée à l'intérieur que ça va exploser». «Disons que les processus d'explosion nécessitent des connaissances techniques», commente, plus nuancé, Alain Bauer, professeur de criminologie au Conservatoire national ses arts et métiers (CNAM). En effet, «ils commettent souvent des erreurs techniques», observe l'expert en explosifs. «Mais ils vont finir par y arriver», reprend Mathieu Guidère.

Des dégâts matériels et symboliques avant tout

Finalement, quel intérêt d'utiliser des bonbonnes de gaz comparé à d'autres modes opératoires? La méthode reste facile d'accès, économique et difficilement repérable, répondent plusieurs spécialistes. «Les bonbonnes de gaz sont des produits de consommation courante dont l'achat n'attire pas forcément l'attention», fait remarquer Samuel Rémy, secrétaire général du Syndicat national des personnels de police scientifique (SNPPS-Unsa). «Une bouteille gaz qui explose forme une boule de feu. Ils veulent peut-être donner un côté sensationnel à leur action», suppose l'expert en explosifs.
Autre explication possible: utiliser les bonbonnes de gaz remplirait un objectif différent des autres modes opératoires. Contrairement aux attaques à la voiture-bélier ou à la kalachnikov, les bonbonnes de gaz seraient surtout utilisées pour faire un maximum de «dégâts matériels et symboliques», toujours selon Mathieu Guidère. «L'objectif est davantage de détruire des bâtiments publics qui représentent le pouvoir ou les forces de sécurité que de faire des victimes civiles». En Espagne, les enquêteurs ont découvert que les comploteurs de Barcelone et Cambrils prévoyaient de faire sauter un ou plusieurs monuments.

Une très vieille méthode

L'utilisation de bouteille de gaz dans les milieux terroristes est loin d'être nouvelle. Déjà dans les années 1970, des engins explosifs confectionnés à partir de bonbonne de gaz étaient utilisés pour commettre des attentats. Le 2 juin 1976 par exemple, une bouteille de gaz piégée explosait boulevard de Sébastopol à Paris et faisait 4 morts. Cinq ans plus tard, à l'aéroport d'Orly-Sud, une valise, contenant un engin explosif raccordé à trois bonbonnes de gaz, explosait et faisait 8 morts et plus d'une cinquantaine de blessés. L'attaque avait été revendiquée par la branche syrienne de l'Armée secrète arménienne de libération de l'Arménie (ASALA).
Puis dans les années 1990, le Groupe islamique armé (GIA) les a aussi utilisées pour fabriquer des bombes et semer la terreur en France. À cette époque, les terroristes remplissaient les bonbonnes d'explosifs, d'écrous et de clous pour faire un maximum de victimes. Ce fut notamment le cas le 25 juillet 1995 lors de l'attentat du RER B à Saint-Michel. Idem en 1996 lors d'un attentat à l'explosif dans une rame de la ligne B du RER à la station Port-Royal.


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