Le pot d'échappement d'une voiture BMW à Wickede, en Allemagne,
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La ville de Stuttgart, berceau de Mercedes, est désormais contrainte d’interdire à la circulation les véhicules diesel les plus polluants afin d’améliorer la qualité de l’air. Le symbole est fort dans un pays où l’industrie automobile représente 13 % du PIB – et qui a inventé le diesel au XIXe siècle. Mardi midi, un jugement très attendu de la Cour administrative fédérale allemande a ainsi confirmé deux décisions de justice contraignant les autorités régionales à interdire les véhicules diesel les plus anciens dans les villes de Stuttgart et Düsseldorf.
Cette décision fait en quelque sorte jurisprudence, puisque des dizaines de villes allemandes dépassent les seuils autorisés en matière de pollution aux oxydes d’azote (dont les quelque 9 millions de véhicules diesel sont majoritairement responsables), qui favorisent les maladies respiratoires et cardiovasculaires… Le quotidien Die Welt en a dressé une liste d’au moins 37 qui pourraient être touchées par cette interdiction. Berlin, Hambourg, Munich, Cologne, Düsseldorf, Francfort, Aix-la-Chapelle y figurent.
C’est un coup dur pour l’industrie automobile allemande, autant qu’une victoire pour les écologistes. En première ligne, l’organisation environnementale Deutsche Umwelthilfe (DUH) et son président, Jürgen Resch. Le «Robin des bois» du diesel est à l’origine de cette bataille «pour l’air pur», selon ses propres termes, consistant à poursuivre les villes qui ne respectent pas les normes de qualité de l’air. Une intense bataille juridique, dont l’épilogue s’est joué ce mardi à Leipzig.
Ce n’est pas tout. La Commission européenne menace également l’Allemagne de poursuites pour son inaction face à la pollution de l’air. Quelque 70 villes présentaient encore en 2017 des taux de dioxyde d’azote supérieurs au seuil annuel moyen de 40 microgrammes par m3 édicté par l’Union européenne, d’après l’Office fédéral de l’environnement.
«Une débâcle pour la grande coalition»
Il sera intéressant d’observer le futur gouvernement allemand aux prises avec ce sujet sensible. Le contrat de coalition rédigé entre les chrétiens-démocrates de la CDU-CSU et les sociaux-démocrates du SPD n’aborde qu’assez brièvement la question, avec cette phrase aussi prudente qu’ambiguë : «Nous voulons éviter d’avoir recours aux interdictions de circulation et améliorer la qualité de l’air», dit le texte. Berlin prévoit toutefois la mise en place d’un fonds d’un milliard d’euros pour aider les villes à développer leur réseau de transports publics ou leur flotte de véhicules électriques. Quoi qu’il en soit, le futur gouvernement devra sans doute désormais adopter une position plus tranchée.
«Cette décision est une débâcle pour la politique gouvernementale de la grande coalition, qui n’a eu de cesse de se placer du côté de l’industrie automobile», a commenté mardi Jürgen Resch, de la Deutsche Umwelthilfe. Reste que le sujet est très sensible chez les usagers allemands, surtout en ces temps politiques troublés. La future ministre de l’Agriculture en cas de grande coalition, Julia Klöckner, a ainsi commenté sur Twitter : «Nous devons penser aussi à ceux qui ont un petit budget, ne peuvent pas se permettre de s’offrir les derniers modèles de voitures ou ne peuvent aller travailler à vélo.» Des exceptions sont toutefois prévues pour les artisans, et la mise en place de l’interdiction doit être échelonnée dans le temps.
Marchant sur des œufs, la chancelière Angela Merkel s’est rapidement exprimée sur le sujet : «Il s’agit de villes particulières, avec lesquelles nous devons discuter. Mais nous ne parlons pas ici de tout le territoire ni de tous les automobilistes allemands.» De son côté, le chef du syndicat des policiers allemands, Rainer Wendt, a évoqué devant la presse le manque de moyens humains pour faire appliquer la législation et lâché un péremptoire : «Vous pouvez faire une croix sur les contrôles policiers.»