La Maison-Blanche a annoncé la fin du financement de la Station Spatiales Internationale pour 2025 |
En annonçant la fin du financement de la Station Spatiale Internationale, dans laquelle Thomas Pesquet a passé 6 mois et demi, les États-Unis préfigurent un nouveau modèle dans l'exploitation du ciel.
Le 11 février dernier la Maison-Blanche annonçait son ambition de «mettre fin au soutien fédéral direct pour l'ISS (station spatiale internationale) en 2025». Un arrêt des financements publics qui pourrait être compensé par l'arrivée de nouveaux investisseurs, une privatisation de la station internationale donc. Mais au-delà de la station, cette annonce préfigure un bouleversement dans l'exploitation du ciel.
L'ISS permet aux agences spatiales de mener des missions scientifiques dans l'espace, comme celle de Thomas Pesquet resté un peu plus de six mois en apesanteur. Elle fonctionne comme un consortium autour de deux grands pôles distincts et autonomes financièrement. Le pôle oriental géré par la Russie et le pôle occidental qui regroupe Américains, Canadiens, Européens et Japonais. À l'heure actuelle, la Nasa (l'Agence spatiale américaine) finance à hauteur de 75% le pôle occidental. Si l'annonce de la Maison-Blanche venait à se concrétiser on irait donc mécaniquement vers la fin de l'ISS, les autres agences du pôle occidental ne pouvant compenser cette perte.
François Spiero, expert des vols habités et reponsable stratégie au CNES (Centre national d'études spatiales) rappelle tout de même qu'il faut se montrer prudent pour au moins deux raisons. «D'une part, la Maison-Blanche n'a pas la main complètement libre sur le budget de la Nasa, le Congrès américain peut encore infléchir cette décision. D'autre part, les Russes n'ont pas encore réagi et rien ne les empêche de proposer un nouvel arrangement pour prolonger l'ISS.» Une solution cependant difficilement envisageable tant les montants nécessaires semblent au-dessus des capacités financières de Roscosmos (l'agence spatiale russe).
Thomas Pesquet |
Faut-il sauver l'ISS?
Les agences participant à l'ISS se sont engagées à maintenir son activité jusqu'au 31 décembre 2024. «Maintenant il faut trancher sur l'après 1er janvier 2025. D'autant que les premiers modules ont été lancés en 1998. En 2024 ils auront 26 ans alors qu'ils ne sont certifiés que pour 30 ans; l'ISS sera donc, quoi qu'il en soit, en fin de vie», explique François Spiero.
L'annonce de Donald Trump n'a en fait rien d'une surprise. «Il faut se figurer deux volets bien distincts quand on parle de l'ISS: l'exploitation et l'activité scientifique», explique l'expert du CNES. L'exploitation coûte très cher et toutes les parties prenantes veulent réduire leur budget en la matière. Les milliards dépensés au niveau mondial dans la station en font une véritable pompe aspirante qui empêche de se projeter vers d'autres projets. «Le consensus sur l'arrêt de la station existait bien avant les déclarations de Donald Trump» ajoute le spécialiste. Mais un consensus existe aussi pour dire que l'activité scientifique en orbite terrestre basse (moins de 2000 km) est indispensable et doit être maintenue. Un nouveau modèle de fonctionnement moins cher pour les États doit donc être trouvé.
Des solutions partielles ont déjà été testées. Les Russes ont fait payer des touristes dans les années 2000 pour leur faire visiter la station. Le 7 février dernier, l'ESA (l'agence spatiale européenne) annonçait avec Airbus la signature d'un partenariat public privé pour la réalisation du projet Bartolomeo, «qui est en quelque sorte déjà une privatisation». Les deux signataires souhaitent développer une plateforme commerciale qui sera fixée à l'extérieur de la station et pourra accueillir les expériences d'utilisateurs du monde entier. Une expérience qui débutera l'an prochain.
Vers un nouveau modèle pour l'orbite terrestre basse
Depuis plusieurs années, les agences réfléchissent à cette transition, les États n'ayant donc plus les moyens de maintenir les financements actuels. La solution est de se tourner vers des acteurs privés.
«Depuis l'an 2000, il n'y a qu'une seule station en orbite terrestre. Le modèle va radicalement changer. On se dirige vers un ensemble de petites structures. Certaines seront pilotées par des États - la Chine par exemple va démarrer sa station Tiangong 3 d'ici 2023 (Thomas Pesquet est même en train d'apprendre le chinois!). Mais la plupart seront le fruit d'opérateurs privés.» En ce qui concerne l'activité scientifique, les agences spatiales pourraient louer des emplacements sur ces futures stations pour mener leurs expériences. Plutôt que de dépenser l'argent dans l'exploitation d'une superstructure spatiale le budget pourra être orienté vers de nouveaux projets.
Est-ce que ce nouveau modèle sonne le glas de la coopération internationale? Pas du tout. L'ISECG (groupe international de coordination de l'exploration spatiale), qui regroupe 15 agences spatiales, travaille sur une nouvelle station habitée, Deep Space Gateway. Un retour au vieux schéma en somme, à la différence que celle-ci sera en orbite lunaire. Plus qu'une fin de cycle pour les agences spatiales nationales ou supranationales, il s'agit en fait d'un passage dans la classe supérieure avec la planète Mars en ligne de mire.